Soyons clairs, concis : cette partie-là est loin d'être essentielle.
Je suis une femme d'un mètre soixante-dix, aux cheveux châtains, yeux gris et rieurs, et à l'apparence fragile nerveuse, et menue. C'est pour cela que malgré mon âge et ma taille (normale somme toute), j'ai toujours été "la petite Meg".
Chacune de mes émotions peut se lire sur mes traits et dans mes gestes. Je ne garde rien au fond de moi et laisse éclater mes crises (de joie, de folie, de pleurs, de peur, ...) dès que le besoin s'en fait sentir. J'ai le sourire facile et le rire "automatique" (parce que oui, un rire peut être nerveux, joyeux, triste, cynique, ...).
Cela a déjà été dit : je suis émotive. Tellement émotive que ça peut en devenir agaçant. Je suis pratiquement incapable de me protéger : dès que j'ai affaire à un mort-vivant, je frappe à l'aveuglette, comme une furie trisomique. Pas très efficace tout ça (même si ça peut marcher). Alors, posons tout haut cette question que tout le monde se pose tout bas : Pourquoi diable suis-je encore en vie ?
Je suis loin, trèèès loin d'être courageuse, comme vous pouvez le constater. La vie sauve, je la dois notamment à la chance. Et surtout à la bonté des autres.
Ma franchise, ma naïveté et ma crainte ont tendance à attendrir les gens. C'est pourquoi les personnes m'entourant ont, pour la plupart, cet instinct de protection à mon égard. Je l'ai déjà dit aussi : je suis "la petite Meg". Pratiquement tout le monde dans le lycée m'appelle comme ça maintenant. Même les élèves à qui je faisais cours il y a un peu plus d'un an.
Cela ne me dérange pas, bien au contraire.
J'ai juste peur que prendre trop goût à cette douce sécurité ne finisse par me jouer des tours.
Avant l'infection
Je suis née à Atlanta, en Georgie. Dès mon plus jeune âge, je me suis intéressée aux livres, et à ce pouvoir qu'ils ont de nous transporter en d'autres lieux et nous détacher de la réalité. Je ne vais pas vous faire un exposé là-dessus : j'aimais la littérature. C'est pourquoi, sans grande surprise, j'en faisait mon métier. A partir de mes 23 ans, donc, j'étais professeur de lettres à la Franklin High School, mariée, sans enfant. J'avais une vie simple, mais agréable. Jusqu'à ce qu'un jour, tout se transforme en cauchemar.
Après l'infection
Cela faisait déjà quelques temps que nous avions entendu parler de cette rumeur, selon laquelle les morts se relèveraient. Et puis quoi encore ? Rationaliste chevronnée, je n'allais certainement pas changer mon train de vie pour des idioties pareilles. Je continuais donc à donner cours, même si les élèves se faisaient de plus en plus rares et l'atmosphère de plus en plus tendue.Peu importe les images diffusées à la télévision ou les murmures effrayés, mon esprit refusait tout simplement d'admettre cette histoire. "Je ne crois que ce que je vois". Ce que j'ai pu être stupide ...
C'était un mardi matin. Rien qu'en sortant de chez moi, je vis que quelque chose ne tournait pas rond. Le quartier était calme. Bien trop calme. Haussant les épaules, j'enclenchais le contact. J'étais presque sortie du quartier, lorsque quelqu'un se jeta sous mes roues. Je freinais mais rien n'y fit. La voiture eut un soubresaut lorsque les roues avant passèrent sur le corps, puis s'arrêta. Panique. Perte de contrôle. Les mains tremblantes, je coupais le moteur. Je venais d'ôter une vie. Inspirer, expirer. Trois ou quatre fois de suite. Ayant repris un peu confiance en moi, je sortais de ma voiture et regardais sous les roues - on ne sait jamais, il est peut-être juste blessé ou ... Je dû me relever immédiatement. L'odeur était bien trop forte. Suffoquant, je sentis quelque chose me gratter le mollet. Une main ? Le type (la femme ?) n'était pas mort ? C'étais un miracle. Je baissais les yeux. La main qui tentait de m'attraper le pied était grise et purulente. Les doigts paraissaient cassés, et deux d'entre eux laissaient entrevoir l'os. Cette simple vision me fit vomir. Bon sang, mais qu'est-ce que j'avais fait ?! Je me couvrais la bouche et me penchais, alors que des larmes perlaient au coin de mes yeux. Ce qui était là n'avait rien d'humain. La ... Créature poussa un long râle d'agonie. Aucune lucidité dans son regard. Seulement une passion dévorante. Je reculais en trébuchant. Des bras m'entourèrent et je sentis un souffle froid sur ma nuque. Soudain, un coup de feu assourdissant. Suivi d'un acouphène tout autant assourdissant. Un liquide gluant qui coule dans mon dos.
« Mrs Stirling, restez pas là. Montez ! »Tandis que des cadavres ambulants se dirigent vers nous, je monte dans la Toyota noire, que je reconnais comme celle du proviseur du lycée. Un type froid, placide. Je ne l'ai jamais vu perdre son calme face à quelque élève, parent d'élève ou même professeur. Je claque la portière et reste bloquée un moment. Les images qui défilent en direct, même si j'en avais déjà vu de semblables à la télévision (quand ils passaient encore les informations, et non leurs enregistrements en boucle), dépassent mon entendement.
« Où va-t-on ? »Je peine à reconnaître ma propre voix. Le proviseur ne me répond pas. Parce que je connais notre destination. Le lycée.
Nous arrivons devant l'édifice. Deux élèves ouvrent les grilles et les referment soigneusement derrière la voiture. Il la gare dans un coin de la cours et sort en claquant la portière. Je reste encore prostrée 5 bonnes minutes à l'intérieur. Je ne veux pas quitter cette atmosphère réconfortante. Mon supérieur, impitoyable, me traîne de force à l'extérieur. Il me secoue avec violence en prononçant des paroles que je ne comprends pas. La seule chose sur laquelle je peux me concentrer, ce sont ses yeux exorbités. Mais lucides. J'essaie de m'accrocher, mais c'est peine perdue. Je perds connaissance lorsque je vois un crâne exploser sous une batte de baise-ball et des lambeaux de cervelle éclabousser le sol.
Je me réveille dans la bibliothèque. L'obscurité envahit presque toute la pièce. Un pied de chaise est posé juste là, ainsi qu'une petite bouteille d'eau. Je marche, comme une somnambule, entre les rayonnages, hors du temps, hors du contexte. Dans mon élément. Mes doigts glissent distraitement sur les ouvrages, tandis que mes pensées s'échappent vers d'autres lieux. Je reprends pied avec la réalité lorsque quelques ouvrages me tombent dessus, et qu'une main tout aussi purulente que celle que j'ai vue ce matin m'agrippe les cheveux. Je hurle, ferme les yeux, et donnes des coups devant moi de toutes mes forces avec le bout de bois. Je ne comprends pas pourquoi, mais je touche juste. Avec une grimace de dégoût, j'extirpe le pied de chaise de la tête du mort-vivant dans un
sluirp répugnant.
Quelques semaines plus tard, la plupart des salles sont "nettoyées". Sans ma participation, bien sûr. On m'a trouvé un autre rôle, et je m'y applique du mieux que je peux : j'entretiens un jardin potager sur le toit de l'école, qui, à la base, était couvert d'une fine pelouse censée servir à la photo synthèse. Ce n'est certes pas très palpitant comme existence, mais c'est bien l'une des seules choses que je me sens capable de faire.
Bref.
*s'extasie devant un choux*